Par Marie-Christine Bellemare, présidente de l’Association des biologistes du Québec
Chaque année, les problèmes de qualité de l’air liés à la multiplication des îlots de chaleur, les feux de forêts, les épisodes de sécheresse ou d’inondations, l’arrivée d’espèces invasives et de nouvelles maladies infectieuses font les manchettes. Ces perturbations, autrefois exceptionnelles, semblent devenir la norme dans un monde qui subit de grands bouleversements. Et trop souvent, c’est la santé des populations les plus vulnérables qui en paie le prix. Bien qu’ils ne soient pas mis à l’avant-plan, de nombreux biologistes s’investissent pourtant à la préservation et à l’amélioration de l’état de santé de la population face à ces phénomènes. Il est temps de démystifier leur rôle, dont l’incidence sur notre quotidien est bien
plus grande que ce que l’on croit.
Rappelons d’abord que la biologie est la science du vivant, des molécules aux écosystèmes. Les biologistes qui travaillent en santé publique mettent en pratique leurs connaissances dans la recherche, la surveillance et la protection de la santé, et ce, dans des disciplines comme la microbiologie, l’écologie, la génétique et la biotechnologie.
Concrètement, la lutte contre les maladies infectieuses ou héréditaires est l’une des contributions les plus notoires des biologistes en santé publique. En effet, de nombreux biologistes et microbiologistes travaillent à détecter, identifier et comprendre les agents pathogènes responsables des épidémies, ce qui permet de mettre en place des mesures de prévention et de contrôle efficaces. La pandémie de COVID-19 est un exemple éloquent du rôle essentiel de ces professionnels qui ont suivi avec attention l’évolution des variants et de leurs caractéristiques dans la population.
La biologie moléculaire et la génétique sont aussi deux champs de recherche en plein essor. Les travaux des biologistes dans ces domaines permettent un dépistage précoce de maladies et proposent des interventions thérapeutiques plus ciblées. Ce travail en amont est absolument essentiel pour soutenir le travail des professionnels en santé et maintenir la population en santé.
Également, les biologistes sont en première ligne de la révolution médicale, alors qu’ils sont plusieurs à collaborer directement avec des professionnels de la santé. Certains œuvrent même dans le domaine de la procréation assistée de façon à favoriser le succès des traitements et la bonne santé des patients.
Comprendre les impacts de l’environnement sur l’humain
Parallèlement, la santé environnementale – qui fait référence à l’étude des impacts de l’environnement sur la santé humaine – est aussi un domaine de la santé qui nécessite une contribution des biologistes et joue un rôle clé dans le maintien de la santé des populations. On y étudie entre autres la relation entre la santé et les écosystèmes, qui nous procurent de nombreux services écosystémiques : la diminution des îlots de chaleur, la captation des eaux pluviales de même que l’assainissement des eaux et de l’air, pour ne nommer que ceux-ci. En capitalisant sur ces services, nous serons en mesure non seulement d’améliorer la santé de nos communautés, mais aussi de mieux assurer la résilience de nos infrastructures face aux perturbations climatiques.
Un exemple concret du travail de ces biologistes est la compréhension que nous avons acquise sur l’importance d’une bonne gestion des espaces verts et bleus en milieu urbain. Ainsi, nous sommes aujourd’hui au fait que par exemple, les îlots de chaleur mènent à une augmentation des températures des milieux de vie, causant ainsi de sérieux problèmes de santé en plus d’accentuer les risques de mortalité.
Notons également que des biologistes sont responsables d’effectuer des analyses éco-toxicologiques afin de s’assurer, entre autres, de la qualité de l’eau et des sols ou d’identifier des substances toxiques susceptibles d’affecter la faune et la flore. En d’autres mots, au sein d’équipes multidisciplinaires dans le domaine, les biologistes ont le rôle de déterminer comment les changements environnementaux influencent la santé humaine et élaborent des stratégies pour en diminuer les impacts.
Ceci étant dit, malgré un rôle essentiel en santé publique, les biologistes ne sont toujours pas encadrés par le système professionnel québécois, après près de cinquante ans de démarches auprès de l’administration québécoise. Cet état des choses laisse la porte ouverte au charlatanisme, à l’incompétence et aux erreurs graves et dangereuses, avec très peu de conséquences professionnelles pour les individus impliqués. Ils ne sont ni imputables, ni régis par un code de déontologie, ni soumis à une obligation de formation continue. Si le gouvernement souhaite maintenir son lien de confiance avec le public en matière de santé environnementale, il doit intégrer promptement les biologistes au système professionnel québécois. Les citoyens doivent avoir la conviction que le travail des professionnels de la santé – dont font partie les biologistes – est dûment encadré et surveillé.
Comme Association des biologistes du Québec (ABQ), nous enjoignons au gouvernement de profiter de son vaste chantier de modernisation professionnelle pour intégrer les biologistes au système professionnel.